Le 19 Mars (Hamed)

Publié le par Marie Sengel/Transverscité

 

Ça fait 5-6 ans que je viens sur cette grande place ensoleillée. On se voit tout le temps avec des personnes avec lesquelles on aime discuter. On a pris l’habitude de venir. Même une heure par jour, il faut vite qu’on passe par là. Des fois ça n’apporte rien : on vient se distraire, surtout s’il y a le beau temps. On se distrait avec le soleil, les amis, les copains, on boit un café, on raconte ce qui s’est passé, s’il y a eu des matchs, et on rigole, et on finit la journée comme ça. On gagne la bonne humeur. On se défoule.

Cette place, elle est parmi les meilleures. Je ne sais pas où on pourrait aller à part elle. Il y en a d’autres bien sûr mais qui sont un peu loin pour nous. Celle-ci, elle réunit toutes les personnes, celles qui travaillent la semaine, celles qui ne travaillent pas alors si on veut se donner un rendez-vous on le donne là, parce que c’est plus facile et parce que c’est une place fermée. Mais il faudrait améliorer : enlever la poubelle qui gêne trop. Le parking pareil. Il faudrait faire un genre de place touristique. Ceux qu’on voit, ici, ce sont presque uniquement des étrangers, des maghrébins, des Comoriens, et les personnes qui viennent de loin, d’autres quartiers, ne font que passer parce qu’elles craignent les gens mal polis, les vols. Il y a l’insécurité et donc cette place n’est que pour les personnes d’origine étrangère puisqu’ils ont l’habitude, qu’ils se voient tous les jours, toujours les mêmes personnes, toujours de la même communauté. Moi par exemple, j’ai des collègues de travail qui habitent au 7ème ou au 8ème. Quand ils prennent la journée avec moi, qu’ils viennent ici, ils voient des choses anormales pour eux, ils trouvent des bagarres, la poubelle et ils ne viennent jamais avec leurs enfants, parce que ce n’est pas comme là-bas, dans les quartiers du sud. Là-bas j’ai pris des cafés sur des placettes que j’ai vraiment adorées - rond-point du Prado ; Perrier ; Castellane ; rue Paradis. Là-bas tout le monde vient, tout le monde s’assoit, tout le monde a la même mentalité. Même s’il y a des étrangers à l’intérieur, c’est pareil. Les discussions sont les mêmes : la vie quotidienne, le football, si bien qu’ils arrivent à faire connaissance entre eux, même s’ils ne sont pas du même arrondissement. Mais si des étrangers viennent-là, sur la placette de Noailles, il y a les vautours : les jeunes qui traînent, qui regardent, qui viennent directement derrière eux et qui créent une petite panique. Ce qui fait que les étrangers changent directement de place et vont ailleurs. Ce qui fait qu’on se retrouve avec les maghrébins et les africains ; il y a des français mais ce sont des français pauvres, donc ça se mélange dans la même mentalité. Les enfants tout le temps dehors, tout le temps au marché, là où il y a du racket, du pickpocket, et ça grandit avec ça. Tout se joue au niveau des enfants dans les quartiers comme ça. Les étrangers eux sont naïfs. Ils regardent le marché, il y a des trucs orientaux, c’est beau, des fois ils veulent manger mais ils n’y arrivent pas parce qu’ils entendent tout le temps les cris, les agressions. Au maximum, ils passent une heure, quand ils ne se font pas arracher les caméras et les portables. C’est des choses que j’ai vues, que chacun a vues et personne ne dit rien. La police vient en dernier et la personne qui a fait ça a déjà pris la fuite. Et comme il est de la même communauté, de la même patrie que les gens d’ici… C’est ça…

Si ça s’améliorait, il y aurait des personnes étrangères à ce quartier qui prendraient l’habitude de venir. Après, à force, à force, avec l’habitude, on apprendrait à se connaître. C’est sûr. Mais ce qu’il faut faire surtout, c’est faire venir les familles pour qu’il y ait du respect. Avoir des femmes avec leurs enfants pour qu’ils jouent. Alors les personnes-là, les voyous iraient mettre leurs trucs plus loin. Même si une personne ou deux dépassent les limites, il y en aura toujours trois ou quatre qui vont parler avec lui : « attention, il faut du respect à la famille ici », donc le type qui vient faire ses bêtises, si on le connaît, il va être habitué à respecter la place. À cause des familles, on pourra davantage aller leur parler, ce serait déjà bien, mais ça ne serait pas suffisant. S’il y avait un truc pour les enfants par exemple, il faudrait la police quand même. Il y a toujours les étrangers, les voyous à qui on ne peut pas parler et qui vont continuer à voler, à agresser. La police, il en faut toujours pour la sécurité. Si les familles ont conscience que la police tourne, elles sont tranquilles. Alors il faut un bon aménagement pour les enfants et les familles, commencer avec ça, avec les petites choses, et ça entraînera déjà beaucoup d’améliorations.

Publié dans Les gens y voient...

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